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L'UKRAINE ENTRE EN SCENE

10 листопада 2006
Kiev : la Fondation Pinchukpour l'art contemporain ouvre ses portes. Créateurs internationaux et ukrainiens s'y partagent les cimaises.

PAR BEATRICE COMTE

NON LOIN DU DNIEPR, au cœur de la verte capitale ukrai­nienne réhabilitée presque à l'excès, un Centre d'art contem­porain occupe désormais trois étages et 3 000 mètres carrés du luxueux complexe de loisirs Arena. C'est le Pinchuk Art Center. Son accès est gratuit. Industriel et mécène, Victor Pinchuk (45 ans, l'un des 691 milliardaires en dollars de la planète) y présentera sa collection en expositions successives de troismois. Dans le but, explique-t-il, de moderniser la société et les mentalités dans son pays : « Savez-vous que Kiev, 3millions d'habitants et quinze siècles d'histoire, ne possédait pas de musée d'art contemporain ? En Europe occidentale, toute ville d'envergure en abrite un ! Il est temps que nous cessions de vivre au milieu de nulle part ; que, sans oublier notre spécificité, nous nous accordions à l'évolution du monde. Ma Fondation, la seule d'importance entre Prague et Moscou, est ambitieuse. Car son fonds - environ 200 pièces pour le moment, une simple amorce de ce qu'il deviendra réunit artistes originaires du monde entier et créateurs ukrainiens. Exposées ensemble, leurs œuvres vont engager le dialogue : Est et Ouest vont mieux se comprendre. La première vertu de l'art contemporain me semble être en effet de n'avoir besoin ni de passeport ni de traducteur. Pour l'apprécier, il suffit d'oublier ses préjugés et de s'ouvrir à de nouvelles formes de perceptions. » Décision fin 2005, inauguration dix mois après : Victor Pinchuk n'aime pas perdre de temps. Il a choisi Philippe Chiambaretta, un architecte français, pour implanter son musée du temps présent dans un bâtiment vieux d'un siècle. Celui-ci a transformé avec virtuosité une succession de bureaux en un parcours délicatement lumineux, un brin labyrinthique, dont le sol en bandes de granits traitées comme des lames de parquet fait office de fil d'Ariane. C'est à un autre Français, Nicolas Bourriaud, ancien codirecteur du très parisien palais de Tokyo, qu'il a fait confiance pour lui proposer des acquisitions dans le domaine international. L'historien de l'art Olexandre Soloviov recherche pour sa part des talents en Ukraine : faute de march èet de galeries, vingt plasticiens seulement y vivent de leur pratique. De nombreux autres travaillent dans l'ombre, qu'il s'agit d'aider à è merger. L'exposition inaugurale rassemble dix nationaux et douze ètrangers, dont sept Europèens, une Amèricaine, un Indien, un Thaї landais vivant au Japon et un Japonais vivant au Vietnam, tous agès de 35 а 50 ans. La puissance de leurs travaux est èquivalente. Mais l'imaginaire ukrainien est infiniment plus tourment è ; il se livre au regard tantôt avec brutalit è, tantôt avec tristesse. Les grandes huiles soigneuses d'Olexandre Gnilitsky, par exemple, reprèsentent avec un rèalisme las des objets quotidiens passès de mode : un disque microsillon, quelques cartons posès sur de vieux frigidaires. Rien des flamboyances agressives de l'hyperrèalisme, mais une sorte de rèsignation face au peu d'importance de larèalitè. Quand Boris Mikhailov, avec un humour acide, se prend lui-même en photo, ainsi que sa femme et son fils, en train de jouer au bal­lon, cela èvoque la mythique origine du football : les Irlandais se seraient ainsi amuss avec la tête de leurs ennemis vaincus. Lorsque Arsen Savadov, dans sa sèrie Donbas-Chocolate exposèe а Paris en 2003, fait poser dans les annèes 90, en hommage peutêtre à Degas, des mineurs de fond tatouès vêtus d'improbables tutus blancs, le malaise le dispute à une èmotion poignante : voici des hommes perdus, marginalisès, dont les moyens de subsistance ont disparu avec le rideau de fer, et qui symbolisent l'insècuritè sociale et identitaire dans laquelle se trouvent plongès des peuples qui n'avaient jamais imaginè telle situation. Comparèes à ces rires secs et grinçants, à ces cauchemars orgiaques, le Meccano gèant de Xavier Veilhan ou la trame colorèe de Sarah Morris èvoquant le tissu urbain de Los Angeles, les manipulations informatiques permettant а Thomas Ruff de crèer des fluiditès chamarrèes ou les combinaisons sèmantiques projetès sur les murs par Charles Sandi-son paraissent bien ludiques. La vidèo du Vietnamo-Japonais intitulèe Projet de mèmorial pour Mmamata prend en revanche une tragique rèsonance à 130 kilomètres de Tchernobyl. Mais la signature occidentale respire insouciance et bien-être.
Автор: B?ATRICE COMTE
Джерело: «LE FIGARO MAGAZINE»